Un sinistre cortège traverse la ville : derrière un corbillard roulant au pas, un homme marche, la tête baissée, tenant en laisse un petit chien. Et derrière lui, quelques mètres en arrière, une centaine d’hommes le suivent, en file indienne.
Un passant, intrigué, s’avance vers le chef de file.
– Excusez-moi, monsieur, mais qui est la personne que vous enterrez ?
L’homme au petit chien dévisage son interlocuteur puis répond d’un air las :
– C’est ma femme, monsieur.
– Oh… Toutes mes condoléances, monsieur. De quoi est-elle morte ?
Cette fois, l’homme au petit chien commence à trouver le passant un peu pesant.
– Eh bien, dit-il d’un ton agacé, si vous voulez le savoir, c’est mon petit chien qui l’a tuée !
– Un si petit chien ? s’exclame le passant en regardant le toutou pas plus gros qu’un yorkshire. Mais comment a-t-il fait ça ?
– Je n’en sais rien, monsieur. Mais le fait est là : ma femme est morte.
Le passant réfléchit quelques instants en silence, puis aborde à nouveau le veuf.
– Dites, vous ne pourriez pas me le prêter, votre petit chien ?
– Moi, je veux bien, dit l’homme avec un haussement d’épaules. Mais vous devrez faire la queue : tous ces messieurs étaient là avant vous !