La blague de la détresse des riches

Vous êtes un homme réputé « capable », vous possédez des diplômes qui le prouvent et une expérience professionnelle que personne ne met en doute. Pourtant, vous végétez, c’est un fait !

Vous avez beau être propriétaire d’une centaine de puits de pétrole au Texas, vous stagnez… Vous avez beau posséder la plupart des actions des mines de la Ruhr et des aciéries de Longwy, ça ne va pas… Alors vous vous demandez pourquoi ? Pourquoi cette barrière entre la réussite et vous ?

Plus tard, lorsque l’homme inquiet que vous êtes aujourd’hui sera devenu un homme aigri, vous vous direz : « Mais qu’ont-ils à me détester tous ? Pourquoi mes ouvriers, mes employés ne font-ils aucun effort pour comprendre ? M’estimer à ma propre valeur ? Voilà qu’ils font grève, maintenant… Mais que veulent-ils ?

Je ne puis tout de même pas travailler plus que je le fais… Je suis le patron le plus au courant de tout ce qui se passe dans ses usines. Je connais ma partie ! Mais eux, mes ouvriers, ne veulent pas le reconnaître. Non ! Oh ! Je sais ce qu’ils ont. Dans le fond : ils m’envient ! Ils sont jaloux de moi ! C’est pas beau, comme sentiment ! Jaloux… Je le vois bien.

Tenez, à mon usine d’automobiles, ceux qui travaillent à la chaîne le font d’une façon nerveuse. Ils manquent de décontraction. Je me rends bien compte qu’ils ruminent intérieurement leurs griefs à mon égard…

Dieu sait pourtant que je me montre délicat avec eux ! Je ne viens pas trop tôt le matin afin de ne pas les déranger ; dès qu’un ouvrier est malade, je lui donne son compte pour qu’il se repose… Et puis, chez moi, les machines tournent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le travail se fait par équipes. Si l’ouvrier était vraiment courageux, il travaillerait vingt-quatre heures d’affilée… À quoi bon ces arrêts pour aller dormir ? Cela casse la cadence…

Cela dit, attention, qu’on ne se méprenne pas : je ne méprise pas la classe ouvrière. Mais je suis taillé dans un autre bois qu’elle ! Je ne me crois pas sorti de la cuisse de Jupiter, mais quand je fais quelque chose, je le fais bien ! Je suis consciencieux, énergique, honnête !

Comme le dit parfois mon professeur de golf : « Ah ! Courageux comme vous êtes, quel merveilleux ouvrier vous eussiez fait ! ».

Alors ils me font rire les ouvriers quand ils font les malins avec leurs piquets de grève… Je leur dis : « Mais si vous étiez à Megève, pauvres gens, vous ne sauriez pas tenir sur des skis. Et vous vous permettez de revendiquer ? »

Le plus gros problème de ma vie d’homme d’affaires, celui qui me désespère, c’est que je ne bronze pas ! J’ai beau rester quatre mois à Cannes tous les étés, rien à faire : toujours blanc comme un lys !

Aussi, quand je vois sur le bord des routes tous ces terrassiers à la peau brune, je suis pris d’une rage intérieure folle… En voilà qui ont de la chance, hein ! En voilà qui ont de la veine ! Alors que moi, je ne serai toujours qu’un pâlot raté ! Oh ! Je vous en supplie, si vous connaissez le secret de la réussite, dites-le-moi ! Je paierai n’importe quel prix pour m’en sortir ! Demain me fait peur ! Entendez, obscurs ouvriers du monde entier, l’appel d’un milliardaire en détresse !

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